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Salut, Laurent...

Où est Alex ?
Alex ? Il est toujours là ou ailleurs, tu le connais.

Sa copine est avec lui ?
Qui, Laure ? Non, elle était trop bourrée.

Où est-elle ?
Ils la trouvent sur un lit de fortune dans un coin de la pièce.

Ne viens pas me casser les pieds.

Un de tes copains est venu te voir.
Encore toi... je t’avais dit...

Il veut juste te parler. Promets-moi de l’écouter... s’il te plaît.
Tu es partie sans un mot, ta mère est désespérée...

Je n’ai de comptes à rendre à personne et ma mère aussi me les casse.
Si tu m’expliquais ce qui t’est arrivé ?

Que veux-tu comprendre... un fils-à-papa !
Tu disais que tu m’aimais et que j’étais ce que tu avais de plus important mais tu ne t’es rendu compte de rien.
De quoi ? Qu’est-ce qui te manquait ?

Tout. Plus rien n’avait d’importance... la crise, quoi.
Une toute petite vie, sans illusions. Au lycée, n’en parlons pas... et ma mère... frustrée, fatiguée, avec un tas de ratages dans sa vie.
Mon père connaît tout juste mon existence et mon frère enfermé dans son sale égoïsme...


Et toi, pauvre petit Fabien, tellement banal... sans émotions...
C’était la parano, quoi. A la fin je n’ai plus supporté cette vie. J’étais sur terre sans très bien savoir pourquoi.
Mon existence même commençait à me peser. Et ça, c’était vraiment intolérable.
Alors j’ai accepté l’invitation d’une copine. Elle vivait seule, ses parents ne la voulaient pas dans les pattes, sa maison était un refuge pour ceux qui recherchaient de la compagnie et... le bonheur.
Des soirées passées à boire, fumer et écouter de la musique.
Je me sentais enfin heureuse parmi des copains qui me comprenaient. C’était une sensation merveilleuse, de nous tenir la main.
Il y avait une pureté extraordinaire entre nous. Pas de sexe, que de l’amitié.
Ils parlaient toujours d’Alex, cet ami qu’ils admiraient tous. Ils disaient qu’il avait atteint le maximum. Il se shootait.
C’est lui qui m’a tout appris.
Qu’Alex m’ait remarquée et choisie entre toutes... cela m’a apporté une grande chaleur, une grande confiance en moi... chose que je n’avais jamais éprouvée.
Je n’oublierai jamais ce qu’a été... la première fois.
« J’avais commencé à passer tous mes moments de liberté chez alex. Je me sentais bien, là-bas.... »
« J’assistais avec curiosité à ses rites de préparation. Quand il se droguait il me demandait souvent de lui faire sa piqûre et j’étais devenue très habile pour trouver ses veines. »
« Mais quand il s’envolait pour un de ses voyages extraordinaires, je me sentais exclue. Comme ceux qui vont à l’aéroport voir les avions s’envoler sans jamais éprouver l’exaltation du départ. »
« Je voulais essayer... Ressentir ce qu’il ressentait... De la même façon. Oui, au moins une fois, moi aussi... »
« J’étais sûre de moi, sûre qu’il n’existait rien au monde que mon esprit ne pût dominer. Pas même l’héroïne. »
« Au début, j’ai été surprise, je n’ai rien senti, mais... »
J’ai entrepris un profond voyage en moi-même. Un voyage dangereux, presque toujours sans retour.
J’en ai connu toutes les étapes, une par une. La quête quotidienne de ma dose, le moyen de me procurer de quoi la payer.
Maintenant que nous étions deux, il nous fallait des sommes énormes qui se volatilisaient chaque jour dans la cuillère, la seringue et enfin les veines.

Tu as du nouveau ?

Peut-être. Il ne faut pas vous en faire. Si ce qu’on m’a dit est vrai, Laure va bien.
Comment puis-je te remercier, Fabien ?

Il n’y a pas de raison, madame. Après tout on est les deux seuls à aimer Laure, non ?
Je suis à sec.
Je n’ai rien mais mon pote, peut-être...
En échange de quoi ?

Tu as vu Alex ?
Pas là. Je crois qu’il a un contact en ville.

Ça veut dire qu’il est allé s’approvisionner
Il est génial. Il a toujours ce qu’il y a de mieux.

Il était seul ?
Il y avait Pierre et la copine d’Alex. Je vous ai dit ce que je savais, vous me donnez quoi en échange ?
Il veut du fric pour une dose.

Que je l’aide à se piquer ? !
Il le fera quand même. Tu préfères qu’il aille voler ?
Je dois y aller, papa, tu comprends ?

Oui mais tu es jeune et sans expérience, c’est ce qui m’effraie. Que sais-tu de ce milieu-là, c’est extrêmement dangereux.
Tu as un avenir brillant devant toi, tu es pratiquement licencié, tu pourrais aller à l’étranger, je peux t’aider mais ne me demande pas ma bénédiction pour faire cette folie.
J’aime Laure et je ne peux pas rester les bras croisés alors qu’elle est en danger.

Elle a fait un choix. Tu préfèrerais sans doute que je me taise mais elle est fichue...
Tu as raison papa, mais comment veux-tu que je vive avec le remords de ne pas avoir empêché la fille que j’aime de courir à sa perte ?
En ce qui concerne l’argent, ne t’en fais pas, j’ai quelque chose de côté.

Inutile que j’essaie de te retenir... alors va, fais une tentative mais, si tu vois que c’est inutile, reviens à la maison.
Ne te perds pas avec elle. Et quoi qu’il arrive, n’oublie jamais que je serai toujours là.
Une grande ville inconnue, hostile peut-être... Où la trouver, dans cette foule ? Où la chercher ?

(Jimmy m’a dit que si jamais je rencontrais des difficultés, je pouvais m’adresser à Laurent Magret, assistant social. Je vais d’abord trouver une pension, ensuite j’irai le voir.)
(Pourvu qu’il puisse m’aider...)
Un peu de monnaie...

Tu tombes mal, je suis à sec.
Laure !

Toi ? ! Que fais-tu là ?
Et toi ? Dans quel état tu es !

Laisse-moi tranquille, Fabien ! Je ne veux plus te voir !
Laisse-moi au moins te parler !
Tu n’as pas compris ? Elle ne veut plus te voir !
Ote-toi de là.

Pour ton bien, vieux, retourne d’où tu viens.
Et bon vent !

Ne te fais pas d’illusions, je la reprendrai !
Pardon, je voudrais voir monsieur Magret.

C’est moi.
Que puis-je faire pour toi ?

Franchement je vous voyais autrement.
Du calme, je suis psy. Mais les fonds sont rares et le personnel est limité. Lorsque quelqu’un s’absente on le remplace à tour de rôle.


Si tu n’es pas pressé, j’appelle quelqu’un pour prendre ma place et je suis à ta disposition.
Fabien lui a tout raconté.

Je connais cette demoiselle. Ils finissent tous par passer par ici, à un moment ou à un autre.

Où vit-elle ?
D’habitude ils squattent les apparts inoccupés et les meublent sommairement avec ce qu’ils trouvent dans la rue. Ils vivent comme ça.
Comment ?

Ils font souvent la manche, ou alors ils volent ou se prostituent. Pour se procurer leur propre dose, ils dealent souvent.
Au point où ils en sont, toute leur vie tourne autour de la prochaine piqûre, le reste ne compte plus.

Laure est venue aussi ?
Je te l’ai dit... elle voulait que je l’aide à guérir pour rentrer chez elle.

Qu’avez-vous fait ?
Je l’ai emmenée dans un centre. Elle y est restée un jour avant de disparaître.

Je dois lui parler. Aidez-moi.
Tu espères quoi ?

Je l’aime, je ne peux pas l’abandonner comme ça.
Je vais t’aider. L’amour fait parfois des miracles.

Voilà, j’ai fini.

Tu peux y aller, Gabrielle. Tu pars très tard, une fois de plus.
Si tu n’es pas pressée, dans cinq minutes je peux t’accompagner...

Merci, un peu d’air me fera du bien.
(Il ne reste plus que deux examens à Michel, je vais enfin faire moins d’heures sup et m’occuper davantage de Laure.)
Où est ta sœur ?

Aucune idée.
Il est presque minuit !

Elle a dû aller au cinéma, c’est normal.
Elle me l’aurait dit. Elle n’est jamais rentrée si tard sans me prévenir.

Maman, je dois bosser pour mon examen...
(Deux heures passées. Laure n’est toujours pas rentrée et son portable est éteint. Il a dû lui arriver quelque chose, je le sens...)
L’inquiétude fait place à l’angoisse.

Michel, lève-toi, il faut aller la chercher !

Je viens tout juste de m’endormir... On n’est jamais tranquille dans cette baraque !
C’est ta sœur  et je...

D’accord maman, mais où veux-tu aller la chercher, à cette heure-ci ?
Tu la connais mieux que moi, je ne suis presque jamais là... Elle a un petit ami ?

Oui... un certain Fabien, mais je ne crois pas que ce soit important.
Tu as son numéro ? Appelle-le.

Quoi, à cette heure-ci ?
A croire que cela te laisse froid.
Allô... Fabien ? C’est Michel, le frère de Laure. On a un problème...
Fabien ne sait rien non plus.
Laure et moi on s’est quittés il y a un mois, je pensais que vous le saviez.
Je ne savais même pas que vous sortiez ensemble. Laure ne m’a jamais rien dit.
Que s’est-il passé ?

Je ne sais pas. Depuis quelque temps Laure était devenue bizarre, elle riait, pleurait pour rien. Des sautes d’humeur... et un beau jour elle a décidé de me laisser.
Sans motif ?

J’ai été très surpris parce que moi je l’aime beaucoup. Pour moi c’est du sérieux.
Je lui fais une scène, on se dispute et là, elle se met à pleurer en disant qu’il n’y a rien à faire, elle a rencontré le diable.
Qu’est-ce que ça veut dire ?

Pas la moindre idée, mais depuis ce jour-là, on ne s’est plus revus.
Bon, on va faire le tour des hôpitaux et des commissariats.
Leur recherche est vaine.

Maman, c’est inutile, tu crois vraiment que la police va la chercher ?

Je me rends enfin compte combien tu es égoïste, Michel. Ta sœur, tu t’en moques, elle pourrait bien être morte !
Il faut toujours que tu dramatises, elle a probablement trouvé un mec et rentrera demain.

Je ne lui ai jamais rien interdit, je ne demandais que sa confiance et son amitié.
Tu sais comment sont les filles, elles ont honte...

Je crois qu’il faut que je prévienne ton père.
Si tu crois qu’il va s’en faire !

Mais c’est ton père et celui de Laure, je dois le prévenir !
C’est très gentil d’être venu, Fabien.

Je vais chercher Laure et je la trouverai.
Tu sais quelque chose, alors ?

Non mais je connais pas mal de ses amis, ils me parleront.
Edouard, je suis désespérée...

Que puis-je faire ?
Je suis seule, je ne sais pas où donner de la tête.

Il est trop tard. Tu as voulu l’élever à ta façon et voilà le résultat !
Parlons-en plus calmement... maintenant je dois me rendre à mon travail. Passe à la maison, ce soir.

Tu sais que ma femme ne veut pas.
C’est bien le moment d’être jalouse ! Notre fille a disparu, je te signale.

Je sais mais on doit aussi penser à nous. J’ai deux autres enfants.
Il faut que j’y aille. Fais-moi signe.
Regarde bien cette photo.
Je la reconnais. Elle était chez l’autre. Il y avait un tas de monde.

Un mec en particulier ?
Tu sais, là-bas on n’est jamais avec quelqu’un en particulier. Le premier qui se présente. Il y avait aussi Alex.

Qui est-ce ?
Un toxico. Ta copine était complètement défoncée. Tu le savais, non ?

Du hash ?
Ah non, mieux que ça !

Je ne te crois pas. Laure n’est pas du genre à se camer.
Si tu me crois, bon, sinon...

Si c’est vrai, c’est qu’on l’a embobinée. Emmène-moi là-bas.