premier shoot (3)

Salut, Laurent...

Où est Alex ?
Alex ? Il est toujours là ou ailleurs, tu le connais.

Sa copine est avec lui ?
Qui, Laure ? Non, elle était trop bourrée.

Où est-elle ?
Ils la trouvent sur un lit de fortune dans un coin de la pièce.

Ne viens pas me casser les pieds.

Un de tes copains est venu te voir.
Encore toi... je t’avais dit...

Il veut juste te parler. Promets-moi de l’écouter... s’il te plaît.
Tu es partie sans un mot, ta mère est désespérée...

Je n’ai de comptes à rendre à personne et ma mère aussi me les casse.
Si tu m’expliquais ce qui t’est arrivé ?

Que veux-tu comprendre... un fils-à-papa !
Tu disais que tu m’aimais et que j’étais ce que tu avais de plus important mais tu ne t’es rendu compte de rien.
De quoi ? Qu’est-ce qui te manquait ?

Tout. Plus rien n’avait d’importance... la crise, quoi.
Une toute petite vie, sans illusions. Au lycée, n’en parlons pas... et ma mère... frustrée, fatiguée, avec un tas de ratages dans sa vie.
Mon père connaît tout juste mon existence et mon frère enfermé dans son sale égoïsme...


Et toi, pauvre petit Fabien, tellement banal... sans émotions...
C’était la parano, quoi. A la fin je n’ai plus supporté cette vie. J’étais sur terre sans très bien savoir pourquoi.
Mon existence même commençait à me peser. Et ça, c’était vraiment intolérable.
Alors j’ai accepté l’invitation d’une copine. Elle vivait seule, ses parents ne la voulaient pas dans les pattes, sa maison était un refuge pour ceux qui recherchaient de la compagnie et... le bonheur.
Des soirées passées à boire, fumer et écouter de la musique.
Je me sentais enfin heureuse parmi des copains qui me comprenaient. C’était une sensation merveilleuse, de nous tenir la main.
Il y avait une pureté extraordinaire entre nous. Pas de sexe, que de l’amitié.
Ils parlaient toujours d’Alex, cet ami qu’ils admiraient tous. Ils disaient qu’il avait atteint le maximum. Il se shootait.
C’est lui qui m’a tout appris.
Qu’Alex m’ait remarquée et choisie entre toutes... cela m’a apporté une grande chaleur, une grande confiance en moi... chose que je n’avais jamais éprouvée.
Je n’oublierai jamais ce qu’a été... la première fois.
« J’avais commencé à passer tous mes moments de liberté chez alex. Je me sentais bien, là-bas.... »
« J’assistais avec curiosité à ses rites de préparation. Quand il se droguait il me demandait souvent de lui faire sa piqûre et j’étais devenue très habile pour trouver ses veines. »
« Mais quand il s’envolait pour un de ses voyages extraordinaires, je me sentais exclue. Comme ceux qui vont à l’aéroport voir les avions s’envoler sans jamais éprouver l’exaltation du départ. »
« Je voulais essayer... Ressentir ce qu’il ressentait... De la même façon. Oui, au moins une fois, moi aussi... »
« J’étais sûre de moi, sûre qu’il n’existait rien au monde que mon esprit ne pût dominer. Pas même l’héroïne. »
« Au début, j’ai été surprise, je n’ai rien senti, mais... »
J’ai entrepris un profond voyage en moi-même. Un voyage dangereux, presque toujours sans retour.
J’en ai connu toutes les étapes, une par une. La quête quotidienne de ma dose, le moyen de me procurer de quoi la payer.
Maintenant que nous étions deux, il nous fallait des sommes énormes qui se volatilisaient chaque jour dans la cuillère, la seringue et enfin les veines.